La motricité libre

Motricité libre

La motricité libre consiste à laisser l’enfant libre de ses mouvements afin de lui permettre d’explorer son corps et de se développer en toute confiance. Un concept qui date des années 60 mais qui fait partie intégrante aujourd’hui des projets pédagogiques de très nombreuses crèches.

Le concept de motricité libre ou spontanée a été inventé par le Dr Emmi Pikler dans les années 1960. La pédiatre est convaincue que le petit enfant est un être doué de sensibilité et capable de se développer tout seul sans l’intervention d’un l’adulte. Dans la pouponnière qu’elle dirige à Budapest, l’Institut Loczy, elle applique ce principe en laissant les enfants évoluer librement. Et elle découvre que non seulement le développement moteur s’acquiert naturellement et dans un ordre bien précis, mais aussi que cette liberté donnée aux enfants leur apporte un sentiment d’accomplissement et de sécurité. Aujourd’hui, les travaux du Dr Pikler sont plébiscités par un grand nombre de professionnels de la petite enfance.

 

Les bienfaits de l’activité libre

Les premiers mois, le nourrisson a besoin d’être entouré physiquement pour se constituer une sécurité affective. Cette sécurité de base acquise, l’enfant va pouvoir ensuite s’exprimer par sa motricité. Et il est fondamental de lui permettre, dans cette période cruciale, d’être libre de ses mouvements : le laisser bouger, explorer l’espace, saisir des objets, les relâcher, sentir les formes, les textures… « Grâce à l’activité spontanée, l’enfant devient acteur de son développement, souligne Monique Busquet psychomotricienne, formatrice au Conseil départemental de Seine Saint-Denis. Il peut tester les limites de son corps et expérimenter de nouvelles positions librement. » En répétant les exercices, l’enfant se prépare ainsi tout seul aux différentes acquisitions. Il progresse à son rythme sans qu’on ait besoin de devancer ses besoins. « Il est important de ne pas le contrarier en lui faisant faire des choses pour lesquelles il n’est pas prêt, comme l’asseoir, le mettre debout, on risque au contraire de le crisper et de le mettre en échec », poursuit la spécialiste. 
La motricité libre permet aux enfants d’acquérir plus de confiance puisque ce sont eux-mêmes qui construisent leur propre chemin. Elle favorise aussi leur esprit d’initiative et leur créativité.

 

Des effets à long terme

Mais les bénéfices de cette pédagogie vont plus loin. La psychanalyste Catherine Bergeret-Amselek* mesure au quotidien combien le développement moteur des premières années est fondamental pour le reste de la vie. « Le bébé qui est libre de ses mouvements va construire sa capacité à être bien dans son corps et à se relier aux autres à l’âge adulte, explique-t-elle. Il pourra plus facilement se séparer de ses parents et prendre son élan autonome. Le laisser explorer, toucher, sentir, mettre à la bouche en présence de l’adulte qui sait mettre des limites en douceur en prévenant des dangers, c’est lui permettre de mettre en œuvre toute sa sensorialité et l’érogénéité de son corps tout entier, c’est ce qui fera de lui une personne confiante en la vie  » La psychanalyste retrouve chez ses patients des traces des blessures et des failles qui ont eu lieu dans leur environnement quand ils étaient enfants. « Ce sont des personnes qui ont des blocages corporels, relationnels et qui ont des difficultés à s’impliquer dans une vie sociale. Tout peut remonter à la surface aux détours d’événements de la vie ou bien lors de crises existentielles, notamment au moment de devenir parents, poursuit-elle. Ces premières années sont extrêmement importantes pour la suite même si, bien évidemment, rien n’est déterminé. »

 

La motricité libre en pratique

La motricité libre est de plus en plus pratiquée dans les crèches et haltes-garderies. L’enfant a  accès à différents espaces de jeu qu’il investit à sa manière, à son rythme, dans un cadre sécurisé. Chez les petits, le bébé est installé sur le dos sur des tapis et peut se déplacer en toute liberté. Des jeux avec différentes textures sont posés à côté de lui pour éveiller ses sens. Le but est de laisser l’enfant faire ses acquisitions de façon autonome et surtout ne pas le contraindre à une position dans laquelle il ne sait pas se mettre tout seul. « Un enfant n’est jamais mis dans une situation dont il n’a pas encore acquis le contrôle par lui-même », disait Emmi Pikler. Les accessoires qui vont gêner le bébé (transat, cale-bébé, trotteur) sont évités dans la mesure du possible. Chez les plus grands, des jeux de grande motricité (ballons, vélo) et de motricité fine (jeux d’encastrement, de construction) sont mis à sa disposition et des petits ateliers sont organisés avec une surveillance un peu plus proche. L’enfant n’explore jamais le monde seul, le professionnel est présent pour l’accompagner et l’encourager dans ses découvertes, mais il ne fait pas les choses à sa place. Son rôle est d’offrir une contenance psychique au tout-petit, c’est à dire lui accorder une attention  de tous les instants et savoir précisément où il en est dans son développement. Un pas de plus pour le guider vers son autonomie. 

 

*Auteure de  «  La mystère des mères » Desclée de Brouwer 1996, livre culte pour les futurs et jeunes parents ainsi que « Naitre et grandir autrement » chez le même éditeur réédité récemment.
 
 
 
 
 
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